Do Androids Dream of Electric Sheep? — Avant Ridley Scott
« You’re not made out of transistorized circuits like a false animal; you’re an organic entity. »
[Vous n’êtes pas fait de circuits transistorisés comme un faux animal ; vous êtes une entité organique.]

Rick Deckard est un chasseur de prime qui gagne sa vie en aidant les autorités à attraper mort plutôt que vif les androïdes illégaux se cachant sur Terre. Il est fatigué de son travail, de son mariage, ainsi que de s’occuper d’un faux mouton électronique recouvert de fibres synthétiques pour ne pas perdre la face devant ses voisins. Il décide donc d’accepter un dernier contrat dont la somme amassée lui permettrait d’acheter un vrai mouton en chair et en os. Pour le meilleur et pour le pire, cette dernière affaire sera celle de toute une vie.
Au crépuscule de l’humanité
Dans ce monde dévasté, on tâche d’oublier le vide de son existence. La télévision joue constamment et regardant l’émission de variétés de l’ami Buster — inépuisable et pourtant jamais ennuyeux — les gens ne semblent pas enclin à d’autres divertissements hormis s’occuper d’un animal de compagnie. Cela résonne encore sans aucun doute avec notre monde contemporain, alors que nous nous cinégavons de séries Netflix ou TOU.tv l’une après l’autre sans jamais nous arrêter, sauf pour nourrir chaton. Étrangement, dans la réalité aussi, il ne semble pas y avoir de fin au nouveau contenu que nous pourrions regarder.
Qu’est-ce qu’un être humain et qu’est-ce qu’être un humain? Do Androids Dream of Electric Sheep? introduit le lecteur à une dystopie où les êtres humains sont prisonniers de leur liberté. Les androïdes s’occupent généralement des travaux de terraformation de planète pour permettre aux colons-spatiaux riches de se la couler douce. Sur terre, les conditions de vie — autant pitoyables peuvent-elles être — offrent tout de même leur lot de réconfort à quiconque peut se permettre d’obtenir un Penfield Mood-Organ, un bidule électronique abstrait qui permet à celle ou celui qui en possède un de régler à volonté ses émotions. Si l’on veut être grincheux ou cordial, excité ou triste, on a qu’à le composer avec un code à chiffres.
Plus qu’humain
L’empathie humaine est la seule chose qui départage l’humain des machines qui l’entourent, mais c’est cette dernière qui se désagrège au fur et à mesure que les androïdes deviennent si perfectionnés qu’ils paraissent plus vivants que simplement mobiles. Rick Deckard est l’un des derniers à encore utiliser ses émotions et ses instincts pour parvenir à ses fins. Après tout, travail oblige, puisque la tâche d’un Blade Runner consiste à trouver puis éliminer tout androïde qui se retrouverait sur Terre. Avec un permis de « tuer » à vue toute entité jugée d’être une machine imitant l’humain.
C’est là que les choses se corsent. Les androïdes Nexus 6 sont ultra-performants et ultra-intelligents à un point où chacun d’entre eux — en l’espace de quelques années — est capable de développer une personnalité complexe similaire en tout point à celle d’un être humain. Rick commence à douter de sa capacité à discerner l’homme de la machine, surtout lorsque son partenaire Phil Resch est jugé sociopathique, mais pas un androïde; brouillant encore davantage la ligne qui départage la logique de l’être humain à celle de l’intelligence artificielle.
Être humain
L’amour et l’affection sont aussi des thématiques abordées dans Do Androids Dream of Electric Sheep? qui s’avère un titre qui roule difficilement sur la langue, mais au combien agréablement dans la tête. Si un androïde veut protéger corps et âme un humain contre tout péril, si un humain est prêt à protéger cette machine de la même manière en retour; est-ce de l’affection mutuelle, ou de l’amour? Quitte à pouvoir s’en départir, on préfère s’y joindre? Ne sommes-nous pas devenus experts dans l’art de créer des phallus électroniques et vibrants tout comme de faux vagins autolubrifiant et autonettoyant; ne développons-nous pas des interfaces de plus en plus sophistiquées qui nous font oublier la différence entre conscience et programme?
Philip K. Dick redéfinit encore aujourd’hui ce que représente notre existence; ce passage sur terre dans cette enveloppe charnelle que nous nommons évoluée et à la fine pointe de la bioingénierie de l’univers. Rick Deckard devra passer à travers un processus introspectif difficile afin de trouver la parcelle d’humanité qui départage encore l’homme — ou la femme — de la machine et, métaphoriquement, le vrai du faux. Que sera le prochain pas d’Homo Sapiens dans l’histoire de l’univers? Continuerons-nous cette course folle à vouloir découvrir de plus en plus de nouveauté tout en renforçant à chaque fois les murs que nous érigeons autour de notre coeur? En fin de compte, n’est-ce pas ironique que l’humanité veuille constamment améliorer la « qualité de vie » de ses engins électroniques au profit de l’organique? Le temps s’impose comme la seule chose qui nous éloignerait de l’inévitable rencontre de notre propre reflet; cet ingénieux miroir avec lequel nous espérons pouvoir obtenir un autre regard sur nous-mêmes et nous sortir du pétrin.
Adapté au cinéma dans un film réalisé par Ridley Scott intitulé Blade Runner.
1 commentaire